Cour de la tour

Aurelius était, à bien des égards, l'un des membres du personnel de Poudlard les plus en forme de cette vieillissante équipe pédagogique. Tout juste rentré de vacances bien méritées, il ne s'était pas vraiment avisé des changements de casting opérés. De nature solitaire, il ne vouait son respect qu'à quelques rares élus et le professeur Flitwick en faisait indubitablement parti.

Entrant dans la cour par la grande porte qui la séparait du septième étage, il prit un bon bol d'air frais puis fit quelques pas en directions du banc où son collègue s'essayait à de la lévitation.

_ " Vous avez passé de bonnes vacances, Filius ? "

Questionna le professeur de défenses contre les forces du mal les deux mains plongées dans les poches, un début d'amabilité formé sur son visage.

Aurelius se décida finalement à s'asseoir aux cotés de son confrère. Ses grandes mains moites se frottèrent nerveusement l'une à l'autre, tandis qu'il fixait avec une certaine indifférence l'horizon.

_ " Elles auraient pu l'être si ces histoires de fantômes n'avaient pas forcé le ministère à appeler en renforts la majeur partie de ses anciens dévoués. "

Maugréa-t-il avec une pointe de lassitude. Aurelius était un homme de devoir, mais il se désolait que celui-ci fasse systématiquement son appel au pire moment...

_ " J'ose espérer qu'aucun trouble lié à cette affaire n'a été relevé ici ? "

La question était plus rhétorique qu'autre chose. Scrimgeour savait que dans le cas contraire, la directrice McGonagall aurait immédiatement reporté la rentrée. Néanmoins, c'était le meilleur moyen qu'il avait trouvé pour dévier la conversation sur ce sujet.

_ " Oui... Vous avez remarqué à quel point les informations publiées par la presse ont été limitées concernant cette histoire ? C'est comme s'ils étaient certains que cette résurgence allait indubitablement mouiller quelqu'un. "

Un ricanement étouffé siffla entre les lèvres du professeur.

_ " Sur ces cinquante dernières années, à chaque fois qu'un spectre vengeur est revenu à la vie, il y a eu une arrestation aussitôt l'authentification de l'esprit effectuée. C'est comme si la magie elle même cherchait à faire justice. Comme si ces âmes malheureuses étaient soudainement frappées d'anagogie. "

Aurelius laissa ses yeux se perdre dans l'horizon, rejoignant la quiétude dans laquelle s'était enfermé Flitwick. De nombreuses théories et hypothèses s'entremêlaient dans son esprit, mais une celle idée fixe s'accrochait tenacement et nulle modération, pondération ou sagesse ne parvenait à l'effacer : Quelque chose d'inédit était en train de se produire. Il en avait la certitude. Il avait vu ces fantômes et pouvait affirmer que cette manifestation n'avait rien de commun, même en dépit des standards les plus inhabituels.

_ " Professeur Flitwick, je me demandais... Que savez vous sur le spectre des années 40 ? La seule chose que j'ai pu apprendre à son propos c'est qu'il a fini par être banni dans les tours du château par le professeur de défense contre les forces du mal de l'époque. "

Sa demande fut à peine formulée qui remarqua le tonitruant battement qu'il était en train de produire à force de cogner les vieilles dalles de la cours du bout de ses bottes. Il ne l'avait pas remarqué jusqu'à présent, mais il était nerveux. S'il se passait quelque chose ici, l'ancien auror et professeur des forces du mal serait le premier sur qui tout le monde compterait après la directrice...

Aurelius écouta très attentivement le petit exposé improvisé par son collègue. C'était une histoire intéressante, presque épique à bien des égards ! Comme d'autres, Aurelius avait appris des rituels capables de bannir des spectres, mais... Cela demeurait des solutions désespérées, risquées et qui n'offraient pas de secondes chance en cas d'échec. Aurelius inspira profondément, puis passa une main contre son front. Il allait devoir beaucoup étudier et, surtout, beaucoup s'entraîner. Cela n'était qu'une précaution, mais il ne partageait pas l'enthousiasme de Flitwick. Lui avouer qu'il avait, pour des raisons que lui même ne parvenait pas à cerner, un mauvais pressentiment ne serait pas bien constructif en cet instant.  

_ " Si ce spectre n'avait pas attaqué un élève... Ils auraient certainement pu l'apaiser... Néanmoins, la présence du ministère a très certainement encouragé la mise en place de moyens plus drastiques. "

Maugréa-t-il avec une certaine amertume. Ce besoin de sauver les apparences, les images... De montrer au peuple que l'on a toujours le contrôle de la situation... C'est cette philosophie qui avait perdu son père et, même s'il continuera de lui vouer tout le respect et l'admiration qu'un fils doit à son père, il veillera à ne pas répéter ses erreurs.

_ " Merci beaucoup Filius. "

Antoine cherchait, Antoine farfouillait, un peu au hasard sans doute, mais il ne trouva aucune bizarrerie susceptible d'éveiller son intérêt ou sa curiosité. Toutefois, et alors que l'heure du couvrefeu approchait, le jeune garçon put entendre une voix l'interpeller : " Hey toi le p'tit ! "

Antoine fut bientôt cerné non par un, mais par plusieurs regards. Une bande de garçons, tous plus âgés que lui, l'avaient repéré alors qu'ils s'agitaient dans la cour. Le plus grand de la bande, un garçon bourru au crane rasé, aux yeux inexpressifs et dont l'air patibulaire ne lui prêtait nulle finesse fit un pas en avant, un grand sourire lui pendait aux lèvres.

_ " Dis p'tit, il paraît que t'as passé tout le trajet à te goinfrer de chocogrenouilles et autres sucreries... Maintenant que t'es officiellement élève ici, tu t'es pas dit que la moindre des choses serait de partager avec tes camarades ? "

Le grand garçon continua de sourire tandis que ses amis postés derrière lui se retinrent de rire.

Antoine, sans doute trop innocent pour comprendre l'animosité qui régissait tant les paroles que les regards qui lui étaient adressés se contenta d'hocher doucement la tête.

_ " Non, désolé, j'ai déjà rangé toutes mes affaires à mon arrivée en salle commune, mais une prochaine fois si vous voulez ! "

Le jeune garçon chercha du regard une éventuelle autre personne qui pourrait errer ici. Il se doutait bien que cela insisteraient et, dans cette situation, il ne lui resterait que deux options : La fuite ou appeler à l'aide.

_ C'est vraiment fâcheux ça... " Commenta dont le sourire ne cessait de s'agrandir. " Il faudrait que tu nous offres une garantie, du coup, afin qu'on soit certains que tu ne nous oublieras pas la prochaine fois, tu vois ? "

Il fit craquer l'un de ses poings avant de faire un pas de plus en direction d'Antoine. Il était maintenant pratiquement à sa portée.

_ " Je pense que ta baguette fera une bonne garantie, vous en pensez quoi les gars ? "

Les autres garçons s'esclaffèrent de nouveau tout en approuvant de vive voix l'initiative de la petite brute.

Même s'il manquait un peu de force, le coup de pied d'Antoine fut d'une précision chirurgicale et percuta une brute qui, loin de s'imaginer que quiconque puisse lui résister, fut prise au dépourvu. Un grognement sourd sortit de sa bouche tandis qu'il se recroquevillait en maugréant :

_ " Fils de ... "

Les autres garçons, trop stupéfaits pour réagir, laissèrent au petit Antoine une certaine avance dans sa fuite et il parvint à les distancer sans trop de problèmes. Toutefois, le garçon à la dignité abîmée n'en resta pas là et tira sa baguette. Les autres s'abstinrent bien de le faire car ils savaient qu'une agression magique, qui plus est sur un cadet, était un motif d'expulsion aussi clair que prompt.

Le garçon blessé dans son orgueil pointa maladroitement sa baguette vers Antoine et cria :

_ " Avada Kedavra Crache-limaces ! "

La précision du maléfice fut étonnamment bonne, mais Antoine se fendit d'une fantastique pirouette qui lui permit d'esquiver cet assaut in extremis. Les autres garçons de la bande, conscient qu'Antoine ne pouvait pas courir ET esquiver des maléfices avec autant d'adresse rattrapèrent leur retard et furent bientôt à la hauteur du jeune garçon. En dépit de ses exploits passés, la situation commençait à être désespérée.

Antoine tenta un autre coup de pied, mais celui-ci fit prestement bloqué par la bande qui le cernait désormais de toute part. L'un des garçons saisit le jeune garçon par le col en souriant, tandis que le chef de bande, remis de sa précédente déboire, s'avança tranquillement sa baguette toujours entre ses mains.

_ " Tu croyais pouvoir t'en tirer à si bon compte, merdeux ? "

Demanda-t-il à l'adresse d'Antoine tandis que ce dernier était toujours tenu par ses collègues.

_ " Il est temps de s'amuser un peu... "

Une ombre venait de se former dans la cours de la tour et, sans que personne ne la remarque au préalable, elle prit rapidement la forme d'une jeune femme dont ni la voix, ni le visage ne pouvaient être enregistrés par les mémoires. Tous pouvaient la regarder sans mal, tous pouvaient scruter les détails de son visage, mais ceux-ci s'oblitéraient presque instantanément pour des raisons obscures. La seule chose dont les témoins de cette scène se souviendront sera la longue chevelure blanche qui coulait sur ses épaules et les prochaines actions qu'elle entreprendra :

_ " Si j'étais toi, je lâcherais ce jeune garçon, Alfie Blackwood, élève de quatrième année, secrètement amoureux de la préfète Hayley Leger, mais trop lâche pour lui révéler quoique ce soit. Fils d'un minable contrebandier et d'une serveuse de taverne, tant complexé que son seul exutoire est de s'acharner sur plus faible que lui. "

La mystérieuse jeune femme tendit la paume de sa main vers celui qui tenait Antoine par le col et ce dernier s'effondra immédiatement, son corps était intégralement paralysé.