Ruines en périphérie de Londres

Cachées des moldus et méconnues des sorciers, les ruines de l'Holborn Gentlemen Club ont le pouvoir d'arracher des frissons aux plus anciens de la communauté magique qui se souviennent de sa réputation sulfureuse et de la terrible fin que l'édifice connut. Totalement anéanti par un mal inconnu à la fin des années 60, le drame a connu son lot de spéculations avant d'être effacé des mémoires populaires par les terribles évènements des deux grandes guerres sorcières. En dépit de tout, les ruines de l'édifice sont constamment gardées par un brigadier chevronné afin d'éloigner les squatteurs et les quelques curieux qui souhaiteraient s'aventurer dans les sordides sous-sol de l'édifice. Selon certaines rumeurs, Voldemort en personne se serait intéressé de prêt à l'histoire de cet endroit, sans pour autant réussir à en tirer des informations intéressantes.

Aujourd'hui, le terrain est mis en vente par le ministère, à la seule et unique condition que le propriétaire accepte d'intégralement raser cette bâtisse, du toit jusqu'à ses fondations.

Le vieux Jack se portait fantastiquement bien. Il faut dire que rares étaient les elfes à pouvoir se targuer d'une telle réussite professionnelle que lui ! Ancien employer des cuisines de Poudlard, il avait courageusement combattu lors de la bataille de Poudlard puis avait profité de la fin des années 90 pour s'affranchir de son ancienne vie et se lancer vers quelque chose de plus constructif. Désireux d'offrir à ses congénères de meilleures conditions de vie, il avait monté un projet pharamineux qu'il présenta bientôt aux gobelins de Gringotts : Offrir à chaque elfe un toit où vivre. Sans réels moyens ni talents, nul ne pensait qu'il y arriverait, pas même lui... Toutefois, l'intervention d'un homme providentiel, Auris Gallagher, auror de renom et respecté dans toute la communauté magique changea la donne. L'auror qui avait constaté de lui même le courage de l'elfe lors de la bataille, puisa dans ses propres réserves financières et se porta garant du projet de Jack.

Les batailles avec la Brigade de réparation des accidents de sorcellerie du ministère de la Magie furent rudes, car les sorciers ne disposaient plus d'aucun territoire libre de l'influence moldu et libérer ne serait ce qu'une petite rue fut un véritable chantier. Ce n'était pas ce que Jack voulait initialement. Il rêvait de beaux immeubles où des familles pourraient s'épanouir, de belles boutiques qui deviendraient le fleuron mondial de l'artisanat elfe, mais finalement il ne put avoir qu'un cloître en périphérie de l'allée des embrumes... Sa rancœur était tenace, mais ses congénères firent preuve d'une reconnaissance telle qu'il s'en trouva partiellement apaisé. Après des années d'assistanat, les autres elfes insistèrent même pour lui payer un loyer, chose à laquelle il ne se serait jamais attendu, mais ainsi allait la vie pour un elfe qui, bien malgré lui, était devenu une référence mondiale d'émancipation. Pourtant, il détestait être pris en exemple par quiconque. Vivre à travers les autres était la pire forme de servitude pour lui et s'il devait choisir, il préfèrerait encore redevenir un esclave libre de penser qu'un hère influençable et influencé.

Ainsi était Jack le Matois. Un être unique, affublé de son haut-de-forme caractéristique dont il aurait bien des choses à dire et qui, surtout, aurait aimé qu'on ne le juge que pour ce qu'il faisait et pas pour ce qu'on aimerait lui faire faire.

_ " Baaaaah ! Cette vieille baraque est encore plus maudite que la cabane hurlante, Auris ! Au siècle dernier y'en a eu des elfes qui v'naient me raconter ce qui s'srait passé là d'dans ! "

L'elfe poussa un soupir, abaissa légèrement son chapeau pour se protéger du soleil et planta sa canne à pommeau dans la pelouse sur laquelle il se tenait. Le sinistre édifice était à une bonne trentaine de mètres de sa position, mais il ne souhaitait pas plus s'en approcher. C'était un superstitieux, mais il demeurait important de noter que son espèce ne ressentait pas la magie de la même façon que les humains.

_ " Franchement mon vieux... " Jack secoua ses bajoues de droite à gauche avant de lancer un regard au vieil auror qui se tenait à ses cotés. " j'bonne mémoire, t'sais ? J'me souviens bien que c'était toi l'premier à être sorti de là le soir d'la catastrophe. J'me souviens des p'tits qu'en parlaient dans la grande salle, même l'vieux Dumbledore avait l'air chiffonné ! "

Jack savait beaucoup de choses sur les activités criminelles ayant eu lieu ici. D'après la version officielle, il ne s'agissait que d'un petit groupuscule de militants qui avaient eu le malheur de se livrer à des expériences interdites. Toutefois, une jeune elfe qui était miraculeusement sortie de là vivante et qui avait fait appel à lui pour se cacher le temps que les choses se tassent lui avait révélé bien des choses... Un nom revenait sans cesse, un nom qui avait le pouvoir de faire trembler tous les êtres magiques...

Auris Gallagher n'était pas aussi craintif que Jack et pour cause, il faisait parti de la poignée de mortels à savoir avec précision ce qu'il s'était passé là-dedans. Pourtant, il demeurait tout aussi frileux à l'idée de s'approcher davantage... Non pas au nom d'une malédiction imaginaire, mais de celui de ses propres démons. Tant de choses auraient pu être évités s'il avait mieux fait son travail à l'époque... Tant de choses, tant d'évènements tragiques, passés et à venir, jamais il ne se pardonnera.

_ " Il fallait y être pour le voir." Maugréa-t-il d'une voix lasse tandis que son regard éreinté s'attardait un instant sur cette façade qu'il imaginait encore rongée par les flammes. " Beaucoup parleront des atrocités de l'Holborn club, mais pour ma part... J'ai trouvé dans ce désastre une curieuse forme de justice. "

Auris passa une main dans la poche de son manteau d'auror et en sortit une petite fiole qu'il débouchonna prestement avant de prendre une gorgée de son whisky favori.

_ " Quand un auror atteint autant de bouteilles que moi, de nombreux principes commencent à s'occulter. J'ai une vie passée à faire les comptes du nombre de personnes que des types comme ceux qui occupaient ces murs menaient au trépas. "

D'un geste, l'homme fit basculer sa fiole et renversa une partie de son contenu sur la pelouse.

_ " La seule chose qui hante ce lieu, Jack, ce sont mes regrets... Je pense qu'il est temps pour moi d'avancer... "